Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra)
Avec plus de 33 % des intentions de vote, l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Nous sommes confrontés depuis l’automne dernier au phénomène zemmourien dont le moins que l’on puisse (re)dire est qu’il n’était pas une simple bulle médiatique ou sondagière. Sa radicalité a permis à Marine Le Pen de policer son discours, sans modifier son logiciel. La convergence des formations de Zemmour et de Le Pen fait aujourd’hui craindre le pire, par le jeu du report des voix au second tour. Nous le savons, nous le redoutons. Mais si nous ne sursautons plus collectivement, d’où viendra le sursaut ?
Il faut donc marteler cette réalité auprès de tous les républicains de cœur, quels que soient nos différends, quelles que soient les frustrations : ce scénario devenu hautement probable, s’il devait advenir, ferait inexorablement vaciller la République. Ainsi nous faut-il rappeler que le nationalisme porte en lui la xénophobie et le racisme, comme la nuée porte l’orage. La promesse de la « préférence nationale » ne peut être, au plan pratique, qu’un permis de discriminer. La « priorité nationale » remet explicitement en cause le principe fondamental d’égalité, en excluant les étrangers de l’accès à certaines prestations, et celui de solidarité nationale, qui prévoit d’attribuer à tout être humain « le droit d’obtenir des moyens convenables d’existence ». La mensongère théorie du « grand remplacement » institutionnalise le soupçon, en définissant sur la base de la seule couleur de peau, des ennemis, des parasites destructeurs de la France.
Vichy en embuscade
Obtenir le pouvoir d’interdire tout type d’emploi aux étrangers dans n’importe quel secteur d’activité ? Avec cette mesure, Marine Le Pen renouera sans détour avec l’inspiration du régime de Vichy. Abroger la loi contre le racisme ? Avec cette promesse, Éric Zemmour réitérera l’un des premiers actes du gouvernement de Vichy, qui fut d’abroger la loi contre l’injure et la diffamation raciale, dite « loi Marchandeau », le 27 août 1940. Vichy, n’en doutons pas, est en embuscade.
Le programme de l’extrême droite est un défouloir contre les lois de la République. Ni liberté, ni égalité, ni fraternité ! La famille politique la plus forte du pays veut une révision complète de nos principes et de nos valeurs.
Opprobre jeté sur les immigrés, discrimination des réfugiés, « ministère de la Remigration », expulsion d’un « million de personnes »… Révision et négation de l’histoire, dévoiement de la laïcité, identitarisme exacerbé, affinités avec l’ultra-droite : le programme de l’extrême droite est un défouloir contre les lois de la République. Ni liberté, ni égalité, ni fraternité ! La famille politique la plus forte du pays veut une révision complète de nos principes et de nos valeurs.
Comment ne pas prendre non plus au sérieux la politique insécuritaire qui s’annonce au plan géopolitique ? La monstrueuse agression de l’Ukraine par la Russie, le 24 février dernier, puis les crimes de guerre opérés par les troupes russes ont contraint les candidats d’extrême droite à critiquer du bout des lèvres la politique du Kremlin. Cet opportunisme électoral ne nous fera pas oublier les paroles de celui qui « rêvait », il y a peu, d’un « Poutine français », et de celle qui, quelques jours avant les atrocités commises dans la ville de Boutcha, estimait que Poutine pourrait être un « allié » si la guerre en Ukraine se terminait.
L’ultime crise qui ébranlerait le cadre civique
Nationalisme, autoritarisme, racisme, antisémitisme, homophobie ont toujours caractérisé la culture politique d’extrême droite. Désinformation, complotisme, radicalité et répression en constituent les moyens d’action. Ils formeraient, demain, les instruments de sa gouvernance.
La victoire de l’extrême droite serait, après le terrorisme, la pandémie et la guerre, l’ultime crise qui ne manquerait pas d’ébranler le cadre civique dans lequel les Français vivent, se pensent et se projettent. Elle briserait cet héritage commun que l’Histoire a lentement et péniblement construit : un attachement viscéral à l’égalité, la foi en la justice, l’amour des libertés, le besoin profond de fraternité. Ces principes et valeurs sont notre patrimoine, par-delà nos désaccords, les tensions, les fractures qui caractérisent notre société. Ils demeurent nos repères et notre horizon, même – surtout – lorsqu’il s’agit de combattre ceux qui haïssent la France.
À l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, l’heure est à la mobilisation, sans défaillance. Voter est un droit, chèrement acquis. En ces circonstances, c’est un devoir renforcé pour chaque citoyen. Nous vous appelons à donner votre voix à celles ou ceux qui défendent la République, sans équivoque, sans reniement ni renoncement. Un vote républicain pour refuser le basculement autoritaire, la xénophobie assumée, le racisme décomplexé, les alliances internationales dangereuses.
Le 10 avril, sans hésiter, votez antiraciste !
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Dossier « Faire taire la haine », consacré à la loi contre le racisme du 1er juillet 1972, dans le n° 686 printemps 2022
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