Naëm Bestandji, écrivain, féministe universaliste et laïque engagé, auteur de l’essai Le linceul du féminisme. Caresser l’islamisme dans le sens du voile (Éditions Seramis, 2021)
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Le 29e congrès du Parti communiste français s’est tenu du 7 au 10 avril 2023. Tous les adhérents ont été invités à participer à l’évolution des statuts du parti, notamment en déposant des amendements sur tous les sujets qui traversent la société.
Parmi ces amendements, certains ont souhaité que la lutte contre l’« islamophobie » soit inscrite dans les statuts. Ce désir réactionnaire d’instaurer au cœur même des fondements du PCF la lutte contre le blasphème envers l’islam, par l’instrumentalisation des discriminations que peuvent subir des musulmans, est un vrai danger. Ce danger est un bienfait pour un seul groupe : l’islamisme.
Heureusement, le PCF a finalement rejeté cet amendement à une écrasante majorité. (L’extrait vidéo de l’échange sur ce projet de résolution [2’12] peut être visualisé dans mon tweet daté du 15 avril)
Le terme « islamophobie » ne sera pas utilisé pour désigner la haine contre les musulmans, car « islam » ne doit pas être considéré comme synonyme de « musulmans ». La lutte contre l’hostilité envers les seconds ne doit pas être prétexte à la lutte contre le blasphème du premier (sachant qu’en outre le blasphème ne concerne que les croyants).
Il serait pourtant si simple de choisir « hostilité envers les musulmans » ou « musulmanophobie ». Ces termes clairs ne laissent planer aucune ambiguïté. Ils pourraient enfin permettre de se concentrer sur la lutte contre ces discriminations tout en préservant la liberté d’expression.
Toutefois, et c’est malheureusement souvent le cas, « racisme antimusulmans » a été choisi pour le remplacer. Cela laisse planer des problèmes similaires à l’usage du terme « islamophobie ». En effet, il est tout aussi dangereux d’intégrer la notion de « race » pour ce qui relève de l’adhésion à une idéologie. Si un musulman victime de discrimination et/ou d’actes hostiles en raison de sa religion était victime de racisme, alors son islamité ne relèverait plus de sa conscience mais de son ethnie. La liberté de conscience devient caduque. La laïcité ne concernerait plus les musulmans, elle serait remplacée par les lois qui punissent le racisme. Cette essentialisation qui ferait de l’islam une caractéristique génétique, au-delà d’assigner et d’empêcher tous les musulmans de s’émanciper de l’islam, rejoint la dangerosité du terme « islamophobie » : critiquer l’islam, et sa dérive extrémiste, biologiquement inscrit en chaque musulman, serait une hostilité ethnique. L’islam serait comparable à la couleur de peau. Si le voile, par exemple, devait être considéré comme une composante biologique du corps de celles qui le portent, toute critique de sa dimension sexiste, patriarcal, prosélyte et politique pourrait dès lors être désignée comme raciste. Nombre de musulmans critiquent et s’opposent au concept du voilement des femmes qu’ils considèrent comme un héritage culturel sexiste et patriarcal imposé par les islamistes. Cela ferait-il de ces musulmans des blasphémateurs (« islamophobes ») ou des racistes ? Nous sommes bien loin des valeurs émancipatrices de la gauche.
Il serait pourtant si simple de choisir « hostilité envers les musulmans » ou « musulmanophobie ». Ces termes clairs ne laissent planer aucune ambiguïté. Ils pourraient enfin permettre de se concentrer sur la lutte contre ces discriminations tout en préservant la liberté d’expression, plutôt que de camper sur les batailles sémantiques qui ne favorisent que les deux extrêmes droites : l’extrême droite musulmane (l’islamisme) et l’extrême droite nationaliste qui veulent à tout prix amalgamer « islam » et « musulmans » pour leurs desseins politiques respectifs.
Ainsi, les partisans des termes « islamophobie » et « racisme antimusulmans » n’ont jamais aussi bien servi ce qu’ils pensent vouloir combattre.
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