Jaleh K., 23 ans, originaire du Kurdistan, étudiante en MBA à l’université de technologie d’Amirkabir (Polytechnique de Téhéran), militante des droits des femmes, membre de l’association HamAva, actuellement à Téhéran (texte traduit du farsi)
Tribune parue dans Le DDV n° 689, hiver 2022
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Près de quatre mois se sont écoulés depuis le décès brutal de Mahsa Jina Amini. La mort de cette jeune femme kurde en détention, battue à mort par la police des mœurs pour un voile mal porté, fut l’étincelle qui déclencha la rage de la population iranienne lassée par le régime dictatorial en Iran et marqua le début d’un soulèvement.
La mort de Mahsa fut un déclic, un nouveau départ dans l’histoire de l’Iran que certains nomment déjà la période « post-Mahsa ». C’est écrit sur sa tombe : « Chère Jina, tu ne mourras pas, ton nom deviendra un symbole. »
Depuis cette tragédie qui résume à elle seule toute la brutalité du régime islamique en Iran, les jeunes, et surtout les femmes du pays tout entier, manifestent au nom de Mahsa, avec le slogan « Femme, Vie, Liberté ».
Les protestations se sont propagées jour après jour dans tout le pays. Le système étant ciblé, les manifestants crient leur haine pour le régime iranien, leurs dirigeants et exigent le renversement de la République islamique.
Combattre le régime islamique malgré la terreur
Au cours de ces trois derniers mois, le régime de la République islamique prend sa revanche en coupant l’accès aux réseaux sociaux, l’Internet, pour isoler les gens, et lance sa machine de guerre contre les manifestants.
Que ce soit à l’aide de fusils de chasse ou de gaz lacrymogène, les forces armées et les gardiens de la République islamique n’hésitent pas à tirer sur les manifestants sans arme dans les rues, et même avec des fusils d’assaut dans des régions comme le Sistan, le Baloutchistan et le Kurdistan. Il a été prouvé que certaines munitions utilisées étaient pour partie fabriquées en France, et rejoignaient l’Iran en transitant par la Turquie.
Si on ne voit pas encore des millions d’Iraniens dans les rues, ce n’est pas par refus du peuple mais à cause de la terreur que le régime iranien fait régner avec brutalité et violence.
Les forces de sécurité sous l’ordre d’Ali Khamenei, le Guide suprême, ciblent intentionnellement les yeux, les seins et les organes génitaux des filles. La plupart d’entre elles sont agressées sexuellement dans les prisons et beaucoup y meurent sous la torture. Les exécutions des manifestants secouent le monde, mais seules quelques-unes sont révélées. C’est sans compter le grand nombre d’exécutions d’anonymes, conduites après que leurs familles se sont vu menacer de la peine de mort.
Si on ne voit pas encore des millions d’Iraniens dans les rues, ce n’est pas par refus du peuple mais à cause de la terreur que le régime iranien fait régner avec brutalité et violence, à l’image de Daech, capable de kidnapper, violer, tuer, exécuter sans hésitation.
Malgré les menaces, les exécutions et les meurtres, les Iraniens continuent les manifestations et les grèves, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, pour réclamer leurs droits les plus fondamentaux. Le peuple iranien, de l’intérieur et de la diaspora, attend de l’Union européenne, de l’Amérique et tous les pays qui prétendent défendre les droits de l’homme, qu’ils ignorent la propagande de la République islamique et de ses mercenaires, qu’ils démentent les fausses nouvelles telles que l’abolition de la police des mœurs, qu’ils placent immédiatement les gardiens de la révolution islamique sur sa liste des organisations « terroristes » étrangères, qu’ils expulsent les ambassadeurs de la République islamique de leurs pays en rappelant leurs ambassadeurs d’Iran. L’Iran doit pouvoir faire ses premiers pas vers le respect des droits de l’homme.
Les Iraniens ont besoin du soutien des pays démocratiques
La République islamique touche bientôt à sa fin. Manquer de soutien aux manifestants iraniens et tourner le dos à leur révolution au prétexte de vouloir transformer l’Iran en Corée du Nord n’est qu’une mauvaise excuse, qui resterait à jamais comme une tache dans l’histoire de l’humanité. L’Iran n’est pas et ne sera jamais la Corée du Nord. D’abord parce qu’il n’y a pas d’accès aux réseaux sociaux ni à Internet en Corée du Nord. En Iran, au contraire, des milliers de métiers et une partie de l’économie du pays en dépendent complètement. Ensuite parce que les situations géopolitiques des deux pays sont différentes : l’Iran se situe au cœur du Moyen-Orient ; ce pays est un grand carrefour des échanges et du transport énergétique/pétrolier alors que la Corée du Nord reste un pays isolé. L’économie de l’Iran dépendant majoritairement du pétrole, le pays ne pourra jamais se permettre de fermer ses portes aux pays étrangers.
Ensuite, parce qu’il n’y a pas de satellite, aucun équipement qui pourrait permettre aux Coréens de se comparer à d’autres pays. La fermeture complète de l’espace de communication d’un pays nécessite l’obéissance de sa population au système, ce qui n’est pas le cas en Iran.
C’est pourquoi, une fois de plus et au nom de l’humanité, nous demandons à tous les pays démocratiques qui défendent les droits de l’homme, d’agir non seulement avec des sanctions et la condamnation verbale, mais aussi par des actes, pour contribuer à ce combat et sauver la vie de tous les innocents pris dans les griffes d’une théocratie prête à tout pour survivre.
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