Viviane Teitelbaum, députée, Vice-présidente du Parlement francophone bruxellois
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« La ville de Liège doit renforcer son soutien au peuple palestinien en coupant ses liens avec le régime d’apartheid israélien. » Une fois de plus, le conflit israélo-palestinien est instrumentalisé et importé en Belgique. Une fois de plus, sans nuance aucune, Israël est seul sur le banc des accusés, dans un conflit qui oppose deux parties.
Une fois encore, des politiques ont cédé à une posture anti-israélienne obsessionnelle et ont voté une motion attaquant la seule démocratie du Moyen-Orient et réaffirmé leur haine d’Israël à travers un boycott – très symbolique – et un soutien au mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions).
Un texte unilatéral, énumérant les nombreuses critiques faites à l’État d’Israël, mais ne mentionnant nulle part les attaques terroristes contre les civils israéliens ou encore les bombardements du Hamas.
Pourtant l’on sait que ces flots continus d’accusations, de mots – qui en appellent si souvent aux émotions plus qu’à la raison – ont bel et bien un impact sur le niveau de ressentiment, de haine et dès lors d’antisémitisme ou de violence contre les Juifs, sur les réseaux sociaux, jusque dans nos rues et parfois jusqu’à l’agression ou au meurtre. Car cet antisémitisme s’est construit sur un échafaudage de haines, de confusions, de préjugés et de généralisations.
Pseudo-apartheid et double standard
Bien entendu il ne s’agit pas de contester la critique légitime (et parfois nécessaire) de la politique menée par l’État d’Israël mais de questionner la haine des Juifs exprimée à travers le mouvement BDS ou à travers l’antisionisme radical, obsessionnel, agressif, systématique et relayé en permanence dans les médias, avec des conséquences immanquablement dommageables.
Répétons, à l’envi, que l’antisionisme ne se résume en aucun cas à la critique des politiques menées par les gouvernements successifs d’Israël.
Bien au contraire, il y a peu de pays où ce type de critiques est poussé au même point qu’en Israël même, à travers l’expression d’une saine démocratie ou à travers de voix juives et non juives dans le monde. C’est plutôt la manière dont ces critiques sont portées qui doit être source d’inquiétude.
L’antisémitisme et l’antisionisme sont aussi distincts que l’incendie peut l’être du vent qui l’attise. Oui, il peut y avoir du vent sans feu… mais que l’incendie se déclenche et l’effet du vent se fera ravageur.
Comme à travers cette motion votée récemment au Conseil communal de Liège : il s’agit de faire croire, à coup de slogans et de simplifications, qu’Israël est comparable à l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid et devrait dès lors être mis au ban des nations. Ce sont ces clichés et slogans qui nourrissent un antisémitisme débridé et exprimé de plus en plus librement en se donnant bonne conscience : ceux qui les propagent se croient dans le camp du « bien » et de la « justice ». Même s’ils jugent l’État d’Israël selon des critères différents des autres pays. Même s’ils établissent ainsi un double standard justifiant le boycott. La définition de l’antisémitisme par l’Ihra (International Holocaust Remembrance Alliance)1La définition opérationnelle de l’antisémitisme, non contraignante, a été adoptée par les 31 États membres de l’Ihra le 26 mai 2016 : « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. » L’Ihra illustre cette définition par des exemples sur son site web., qui cite, entre autres, parmi les exemples qu’elle fournit, « le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique », condamne précisément ce double standard.
L’État d’Israël représenté comme le Juif des nations
Bien entendu et répétons-le aussi – et d’ailleurs, pourquoi faut-il sans cesse le répéter ? – l’antisionisme est différent de l’antisémitisme. Mais ces concepts entretiennent néanmoins une relation particulière. L’antisémitisme et l’antisionisme sont aussi distincts que l’incendie peut l’être, par exemple, du vent qui l’attise. Oui, il peut y avoir du vent sans feu… mais que l’incendie se déclenche et l’effet du vent se fera ravageur.
Ce qui est dangereux, c’est précisément que le conflit au Moyen-Orient sert régulièrement de prétexte à l’expression de l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme. 2021 est une année record en Belgique avec 119 signalements d’actes antisémites et cette augmentation est, entre autres, corrélée aux incidents opposant Israël au Hamas.
Comme au niveau européen, proportionnellement à leur nombre (moins de 0,3 % de la population belge), les Juifs constituent la première cible des incidents racistes enregistrés en Belgique2Ce que confirment les statistiques du Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) qui, pour l’année 2021, répertorie 81 cas d’antisémitisme et de négationnisme et 11 signalements liés au judaïsme. Alors que sur les 243 dossiers liés aux convictions religieuses et philosophiques 186 sont liés à l’Islam et que les personnes de confession musulmane représentent 7% de la population..
De plus, la motion de la ville de Liège, parmi ses nombreux considérants, se réfère à « la campagne palestinienne, non-violente et anti-raciste BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) ». Or, il faut rappeler que ce mouvement cofondé par Omar Barghouti, né au Qatar et de nationalité jordanienne, appelle à un boycott universel, de nature académique, culturelle, scientifique, économique et politique d’Israël. Au nom de la « liberté d’expression », l’antisionisme débridé, obsessionnel, acharné, entêté et constant prôné par cette association, donnera régulièrement l’occasion à certains médias, politiciens ou influenceurs, de représenter Israël comme le Juif des Nations : ils font porter à Israël en tant qu’État les défauts jadis reprochés aux Juifs eux-mêmes.
Une motion, en définitive, qui, bien que strictement symbolique, n’aura d’autres conséquences que de nourrir une nouvelle fois le « prêt-à-penser » politique en Belgique, les médias belges et celles et ceux qui aiment à contourner le tabou antisémite et ce tant à (l’extrême) gauche qu’à l’extrême droite.
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