Par Michaël Delafosse, maire de Montpellier, président de Montpellier Méditerranée Métropole
(Tribune parue dans Le DDV n°682, mars 2021)
Pourquoi, en 2021, ce qui devrait être évident pour toutes et tous, car inscrit dans la loi, doit-il être rappelé ? La loi de 1905 est pourtant claire, complète, intangible. Pourtant… La laïcité est utilisée par certains comme un glaive ou comme un moyen d’exclure alors qu’elle est le contraire absolu de tout cela. C’est un principe à la fois émancipateur et de concorde. Il doit être réaffirmé comme tel.
Certains tentent de faire passer les lois divines avant les lois civiles de la République. Ils sont capables d’aller très loin pour cela, même de décapiter un professeur devant son collège. Il est encore temps de réagir, d’empêcher que ce qui est aujourd’hui une menace sérieuse devienne un réel danger pour notre société laïque. Il est temps que les élus locaux prennent leurs responsabilités et cessent d’attendre que l’État leur donne des moyens supplémentaires pour agir.
Responsabilités
C’est ce que j’ai fait pendant ma campagne des élections municipales à Montpellier, en refusant la candidature d’une femme voilée proposée par les communistes. Je ne veux pas ouvrir ici le débat sur le port du voile. La question n’était pas là. J’ai dit qu’il n’était pas envisageable qu’une élue voilée siège sur les bancs d’une assemblée républicaine et laïque ou unisse deux personnes par les liens du mariage civil et laïc. Certains communistes l’ont compris, d’autres pas. Ce fut une rupture violente avec ces camarades de combat politique.
C’est ce que j’ai fait dès mon élection en instaurant une Charte de la laïcité pour toutes les associations percevant une subvention publique. Certains m’ont accusé de viser un culte en particulier, l’islam. Mais je ne vise aucun culte, je ne vise que des comportements. Fort heureusement l’immense majorité des associations s’inscrit dans cette promotion de la laïcité et ont compris le sens et la valeur de ma démarche. La loi de 1905 est une grande loi. Pour autant, elle ne porte pas en elle toutes les grandes émancipations qui ont été gagnées depuis : égalité femmes – hommes, droits pour les couples homosexuels, pour les enfants de ces couples… C’est tout cela que veut promouvoir et défendre la Charte de la laïcité.
C’est ce que j’ai fait encore, en lançant en même temps que la Charte de la laïcité un vaste plan de soutien scolaire, pour que, dans chaque quartier de la ville, chaque famille retrouve le choix entre une entreprise privée de soutien scolaire, une association cultuelle, et le service public laïc et gratuit.
C’est ce que je fais aussi en plaidant pour une formation obligatoire des agents des services publics et assimilés à la laïcité ainsi que pour une autorisation administrative préalable à toute ouverture d’un lieu de culte ou d’une école privée hors contrat afin de mieux contrôler les financements étrangers, ou encore en affirmant qu’il faut remobiliser tous les moyens de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) pour d’urgence améliorer le cadre de vie dans les quartiers paupérisés et délaissés.
C’est ce que j’ai fait enfin en m’opposant à la cession par une association cultuelle de Montpellier d’une mosquée dont elle est propriétaire au Royaume du Maroc pour un euro symbolique. Je ne pouvais accepter une telle ingérence. Depuis 1905 la quasi-totalité des lieux de culte appartiennent à des associations ou des autorités cultuelles. C’est la conséquence d’une séparation souhaitée entre les pouvoirs religieux et politiques. Nous devons veiller à maintenir cette séparation.
Vigilance et action
Il y a aujourd’hui un combat à mener pour que la gauche républicaine reprenne en main cette question, arrête les identitarismes, se ré-empare de la laïcité comme principe de concorde pour empêcher les séparatismes. Il faut être vigilants sur tous les terrains, rappeler sans cesse les limites : si on stigmatise, ce n’est pas la laïcité ; si on exclut, ce n’est pas la laïcité ; si on fait du prosélytisme, ce n’est pas la laïcité. Il faut faire preuve de clarté intellectuelle dans les mots et de courage politique dans les faits.
À ce titre, nous devons être attentifs à ce que le projet de loi confortant les principes républicains soit conforme à l’ambition affichée dans son exposé des motifs : « En terminer avec l’impuissance face à ceux qui malmènent la cohésion nationale et la fraternité, face à ce qui méconnait la République et bafoue les exigences minimales de vie en société. » « Référent laïcité » au sein de l’Association des maires de France (AMF), j’ai été auditionné par les ministres Darmanin et Schiappa. J’ai insisté sur une double nécessité : protéger les maires de l’influence des communautarismes mais aussi les remobiliser, les responsabiliser pour mettre un terme aux arrangements, aux accommodements, aux excuses, aux « on ne savait pas » ou « on pensait que ». L’article 6 de la Charte des principes de l’islam de France, qui affirme le rejet de toutes formes d’ingérence et d’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques va dans le bon sens. Le « contrat républicain d’engagement » prévu par l’article 6 du projet de loi confortant les principes républicains devra être particulièrement clair dans ses mots et dans la réaffirmation de ces principes, sans oublier la laïcité. À commencer par la laïcité. J’y veillerai.
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