Emmanuel Debono, rédacteur en chef du Droit de Vivre, revue historique de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme)
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Le 24 avril, le groupe de travail « Lutte contre l’antisémitisme » d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le groupe écologiste au Sénat organisaient, au Palais du Luxembourg, une journée intitulée « L’antisémitisme en France : constater et combattre »1Les vidéos des tables rondes du 24 avril peuvent être visionnés sur le site du sénateur EELV Guy Bennaroche (guy-benarroche.fr) à partir des mots clés « colloque antisémitisme ».. La Licra et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) y étaient invités. Or, deux jours avant cet événement, un communiqué des instances nationales du parti écologiste mettait en cause les « associations communautaires défendant la politique coloniale israélienne ». La Licra y était implicitement visée pour avoir protesté énergiquement en janvier contre l’invitation de l’avocat franco-israélien Salah Hamouri, condamné en Israël pour activités terroristes, à un débat à la mairie de Lyon. L’UEJF était quant à elle ciblée dans ce même communiqué après que ses militants ont organisé un happening à l’occasion d’une conférence du même Hamouri à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) – ils en furent expulsés manu militari, croisant au passage Ersilia Soudais, députée LFI, vice-présidente du groupe d’étude sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale, venue écouter le militant.
Réparer l’oubli des fondamentaux
L’invitation à la journée du 24 avril n’avait pourtant rien d’un traquenard : la Licra et l’UEJF avaient été sollicitées pour débattre, ainsi que le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), l’American Jewish Committee (AJC) et le Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes (Raar). Les tables rondes furent l’occasion de pointer les ambiguïtés, les insuffisances et les abandons de la gauche dans la lutte contre l’antisémitisme. La volonté de diagnostiquer les failles animait les organisateurs de la journée, conscients du fait que la lutte contre l’antisémitisme est un impératif républicain.
La focalisation exclusive sur les « opprimés », les « racisés », les victimes de l’« islamophobie » comparées aux « juifs d’hier », l’antisionisme obsessionnel… ont fini par éloigner la gauche identitaire de ses fondamentaux en matière de combats humanistes. La lutte contre l’antisémitisme en a fait les frais ces dernières années, reléguée à l’arrière-plan des causes à défendre. À en croire certains militants, les juifs n’auraient-ils pas basculé dans le camp des « dominants » sinon des « oppresseurs » ?
La rencontre tint ses promesses et l’on doit féliciter les organisateurs pour leur persévérance, nonobstant les réticences internes et les réactions critiques qu’elle devait immanquablement susciter.
Au cours de son intervention, Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice de l’antenne parisienne de l’AJC, pouvait de fait soulever le paradoxe de ces réticences, dans un parti où, d’après une récente enquête, l’on est moins prompt à adhérer aux préjugés antisémites que dans les autres partis. Mieux : moins que d’autres, les sympathisants EELV ne minimisent pas le rejet et la haine d’Israël comme cause de l’antisémitisme et ils ne sont que 22 % à avoir une mauvaise image de cet État (contre 38 % chez les sympathisants de LFI).
Se libérer des réflexes idéologiques
De la part d’un parti, que signifie la publication d’un communiqué hostile à des associations avec lesquelles ses militants s’avéreront capables de dialoguer sereinement deux jours plus tard ? Sans doute cette hostilité relève-t-elle avant tout d’un strict réflexe idéologique dont une partie des militants a déjà commencé à se libérer.
Oui, le rejet d’Israël est la voie royale par laquelle s’exprime l’antisémitisme. Le nier ou associer organiquement la lutte contre l’antisémitisme et la défense des « droits du peuple palestinien » est problématique. Laisser entendre que la première est indéfectiblement liée à la résolution du conflit israélo-palestinien relève d’un biais conditionnel symptomatique. Faire de Salah Hamouri, figure de l’antisionisme radical, l’incarnation d’un combat pour la justice et pour la paix soulève aussi de lourdes interrogations sur la sincérité de ceux qui ont moins de mal à rendre hommage aux victimes juives dès lors qu’elles sont celles de la Shoah.
On souhaiterait finalement que cette journée opportune convainque l’ensemble des militants de cette formation politique et qu’elle fasse plus largement école dans le champ politique, syndical et associatif. Et qu’elle inspire un refus de toutes formes de compromissions avec ceux qui font leur miel des ambiguïtés.
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