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Emmanuel Debono, rédacteur en chef
Éditorial du numéro 688 (automne 2022) du DDV
La mort de Mahsa Amini, jeune femme kurde de 22 ans, victime de la brutalité intrinsèque de la théocratie islamique iranienne, a déclenché des réactions de tristesse et de colère qui se sont traduites par des mobilisations dans de nombreuses villes du pays contre le pouvoir en place. Celles-ci ont été réprimées dans le sang, soulevant une vague de témoignages et de manifestations de solidarité à travers le monde. On demeure interdit devant la futilité du motif pour lequel la jeune femme a enduré les foudres de la police des mœurs, à l’origine de sa mort. Tenue inappropriée, voile mal porté… des « délits » qui dépassent l’entendement. Dans une société pourtant en état de sécularisation avancée, des femmes s’exposent à une violente répression parce qu’elles refusent de couvrir leurs cheveux. Des hommes et des femmes perdent la vie parce qu’ils s’opposent à un État régi pour sa part par une vision théocratique, qui entend contrôler les pensées et les corps. Idéologie mortifère, diktat vestimentaire, répression sanguinaire. Un sinistre triptyque auquel a répondu le slogan de la révolte : « Femme, Vie, Liberté ! »
Sophismes militants
Ces événements ont conduit une certaine gauche française à réaffirmer, par ses silences ou à mots feutrés, son allergie à l’héritage des grands combats humanistes et universalistes. Défendre les femmes refusant le voile là-bas et défendre le voilement ici relèverait d’un seul et même combat. La liberté, est-il expliqué, ne se divise pas, quand bien même celle de se voiler est parfaitement légale en France.
Difficile pourtant de ne pas se soucier des attaques dont la France est la cible de la part d’organisations islamistes qui n’ont d’autre but que de faire accroire au monde entier que notre pays opprime voire persécute ses citoyens musulmans. Activistes et groupes de pression œuvrent de concert pour diffuser l’idée mensongère d’une laïcité rouleau compresseur, piétinant croyances et fidèles. Les provocations, via les réseaux sociaux ou dans les établissements scolaires à la rentrée 2022, en disent long sur l’offensive d’un islam politique, bien décidé à faire avancer son agenda.
Le sophisme est l’arme favorite de ces activistes qui haïssent la République. Aux ayatollahs d’Iran répondrait donc le sectarisme des mollahs républicains… On chercherait pourtant en vain, dans notre pays, cette « police de la laïcité » qui obligerait les citoyennes à ôter leur voile au sortir de leur domicile, cette biopolitique conduisant l’État à exercer un contrôle sur les mœurs et la moralité républicaine des individus, cette dictature de l’accoutrement qui contraindrait les femmes à porter du vernis à ongles, des jeans assez troués, des pantalons assez moulants ou de couleurs assez vives… On chercherait en vain beaucoup d’autres choses qui n’existent pas, mais dont certains ont absolument besoin pour exister et convaincre de leur pseudo-progressisme.
Faux amis
L’offensive rigoriste utilise les canaux de la désinformation pour accréditer la thèse de l’oppression, argument suprême pour déstabiliser l’opinion et chauffer à blanc certains esprits. Interrogé dans la dernière livraison du Droit de Vivre, le recteur de la Grande Mosquée de Paris jette au contraire sur le sujet un regard pondéré : « Aujourd’hui, nos concitoyens musulmans peuvent vivre normalement en France, même si parfois les discriminations les touchent. » Certaines organisations s’appliqueront à confondre lesdites discriminations avec une politique d’État. À celles-là, Chems-Eddine Hafiz répond sans détour : « Je rejette l’idée qu’il y ait un “racisme d’État”. » Nous le suivons volontiers, conscients du trésor que constitue la laïcité pour accueillir, au sein d’une même nation, toutes les origines, sensibilités et croyances, et même accepter, dans le respect des lois de la République, le principe d’une vie sociale communautaire.
Que certains veuillent la destruction de ce modèle politique, cela s’entend et se voit : il n’est rien de plus insupportable, pour les sectaires, que la liberté. Que d’autres se fassent, au nom de la tolérance, de l’émancipation ou de l’antiracisme, les auxiliaires des premiers, voilà qui constitue une difficulté plus ardue. La subversion ne pourrait rêver meilleurs alliés dans un contexte où tant d’associations et d’instances, nationales ou internationales, sont séduites et fragilisées par des discours qui confondent à dessein revendications égalitaires et identitaires.
Le Rassemblement national peut ainsi allègrement faire passer à ses élus et à ses militants la consigne de se tenir tranquilles, pour apparaître, le temps venu, comme le rempart unique pour défendre la République et ses valeurs. Ce qu’il n’a jamais été et ne sera jamais.