Par Philippe Foussier
L’un des mérites de ce petit livre consiste déjà à poser un diagnostic sur l’histoire de notre pays et sur sa gestion de de l’immigration. Lydia Guirous rappelle par exemple comment la France faisait avant la Première Guerre mondiale « de l’assimilation une condition d’accès à la naturalisation ». Elle revient sur la manière dont les vagues d’immigration italienne ou polonaise se sont agrégées à la société française, sans en masquer les difficultés. Elle cite Albert Camus qui, à l’occasion d’un reportage sur la Kabylie pour un quotidien algérois en 1939, livre sa prescription : « Si l’on veut vraiment d’une assimilation et que ce peuple si digne soit français, il ne faut pas commencer à le séparer des Français ».
Pour Lydia Guirous, la machine a commencé à s’enrayer dans les années 1970 avec le regroupement familial. Non pas en raison de cet afflux d’un genre nouveau qui voyait des travailleurs immigrés rejoints par leur épouse et leurs enfants, mais parce que la doctrine a connu un revirement dont l’auteur pointe la naissance des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui, « l’erreur originelle de nos politiques ».
Dans les années 1980, la notion d’intégration s’est imposée. Lydia Guirous en propose cette interprétation : « Elle considère que la société s’enrichit des différences et que l’identité se construit au gré des apports des uns et des autres. Selon cette vision, c’est autant à la société de s’adapter au nouvel arrivant qu’au nouvel arrivant de s’adapter à la société ». La suite, nous la connaissons, et le développement des revendications identitaires, ethniques et religieuses, puise largement sa source dans un terreau favorable sur lequel on a plaqué le « modèle » américain. Lydia Guirous identifie un certain nombre de défis à relever. Parmi eux, « l’embrigadement de la jeunesse musulmane est une bombe à retardement qu’il convient de désamorcer très rapidement ».
L’assimilation est pour l’auteur la solution à explorer. Selon elle, « ce n’est pas au débat suranné du monde d’avant-hier entre intégration et assimilation que nous devons répondre mais au débat entre assimilation et communautarisme ». Elle préconise donc une série de mesures comme la fin de l’automaticité de l’acquisition de la nationalité par le droit du sol, l’option de l’immigration choisie, l’uniforme scolaire ou encore l’interdiction du voile dans l’espace public. Elle évacue la question des prénoms parfois mise en avant par certains, selon elle une « vaine polémique », et met en exergue le rôle central de l’École dont elle déplore que les heures d’enseignement du français aient considérablement diminué en quelques décennies.
« Pour éviter la xénophobie, le racisme, le communautarisme, le séparatisme et mettre en échec l’islamisme, il faut retrouver la fierté d’être français », estime Lydia Guirous. Mais « comment respecter et vouloir porter avec fierté les couleurs d’un pays qui se montre faible ? Alors que les cultures d’origine sont des cultures aux codes virils, où le rapport de force indique celui qu’il convient de respecter, la France, par sa tolérance, passe souvent pour faible ». Elle suggère de recourir à la symbolique républicaine qui « doit développer une narration empreinte d’une part de sacré ».
Pour Lydia Guirous, les termes de l’alternative sont binaires : assimilation ou libanisation. Mais on pourra aussi valablement considérer que les postulats sémantiques du débat sont biaisés. Car quand à la fin du siècle dernier la France se gargarisait de pratiquer l’intégration, elle accomplissait tout l’inverse dans la réalité. Par une politique de peuplement, d’urbanisation et de logement créatrice elle-même de ghettos et de séparatisme, encouragée par l’État, les bailleurs sociaux et les élus dès les années 1960, la nation française a fabriqué du communautarisme. C’est aussi en analysant avec exigence ces fautes dont nous payons lourdement la note aujourd’hui que la France pourrait aujourd’hui engager une politique d’intégration digne de ce nom. Qui considère réellement chaque citoyen en devenir indépendamment de ses origines ou de ses héritages et non en les y assignant par une politique délibérée de concentration géographique et de peuplement urbain sur des bases ethniques ou religieuses.