Lucas Duval, Manon Elmoznino et Saskia Lefèvre, membres du Réseau jeunes de la Licra
Une enquête réalisée dans le cadre du dossier « Avec ou sans les jeunes ? » paru dans Le DDV n°689, hiver 2022
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Membres du Réseau Jeunes de la Licra, nous avons souhaité nous pencher sur la question de l’engagement politique chez les moins de 30 ans. Nous avons rencontré dix jeunes répartis sur l’ensemble du spectre politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, et nous les avons interrogés sur leurs motivations, leurs valeurs et leurs convictions.
Le résultat de ces entretiens ne constitue pas une enquête quantitative, scientifiquement représentative, mais une série de portraits, d’instantanés. Toutes les personnes interrogées poursuivent ou ont poursuivi des études supérieures. La majorité d’entre elles s’investit dans la vie publique depuis plusieurs années. Ces jeunes ont souvent changé – parfois plusieurs fois – de parti politique avant de ressentir une réelle adéquation entre leurs idées et la formation rejointe. Ils ont pour certains d’entre eux fait le choix de s’engager en politique après un passage dans les milieux associatifs ou syndicaux.
Des points communs émergent de ces différentes expressions politiques. Ainsi, la personne positionnée à l’extrême droite et la jeune militante de La France insoumise (LFI) espèrent toutes deux un renouveau radical. Il ressort des portraits des jeunes issus des partis plus modérés une inquiétude vis-à-vis de la montée des extrêmes et du populisme.
Dans leurs propos, que nous avons dû synthétiser, beaucoup dénoncent les tendances actuelles de la politique à laisser plus de place au vacarme médiatique qu’au débat de fond. Tous ceux qui ont évoqué le sujet ont spontanément affirmé défendre des idées plutôt qu’un candidat, loin de l’hyper-personnalisation qui caractérise traditionnellement la politique.
Concernant leurs valeurs et leurs préoccupations, nos interlocuteurs ont exprimé la volonté d’aborder tous les sujets, sans considérer qu’un parti devrait être plus spécifiquement attaché à une thématique plutôt qu’à une autre. Ainsi la sécurité n’est-elle pas l’apanage de la droite, de même que le féminisme et l’écologie ne sont pas le monopole de la gauche. Des nuances apparaissent toutefois clairement dans leurs approches.
Tous ces jeunes sont en tout cas mus par une volonté de fédérer autour d’un projet : les plus optimistes comme les plus pessimistes appellent à la mobilisation, qu’il s’agisse de militer en faveur de l’identité française, de combattre l’extrême droite ou encore de défendre la planète et les droits humains. Chacun des jeunes interrogés évoque l’implication nécessaire de la jeunesse pour faire évoluer la société.
Méthodologie
Dix personnes âgées de 18 à 29 ans se sont vu poser chacune trois questions relatives à leur engagement politique, à leurs convictions et valeurs, et à la manière dont elles perçoivent l’avenir. Leurs profils sont répartis sur l’ensemble du spectre politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Le choix a été fait de conserver cet ordre, en insérant, là où paraissait le mieux s’inscrire sa sensibilité, une personne exprimant ses réticences à l’égard de la politique. Chaque enquêté a fait l’objet d’un entretien, qui a été réduit. Le choix a été fait de l’anonymisation, en demandant à chacun de fournir un prénom respectant son genre. Nous avons également demandé à chacun de nous indiquer deux livres ayant joué un rôle important dans la formation de sa conscience politique. Les entretiens ont été relus et validés par les participant(e)s, que nous remercions chaleureusement pour leur coopération.
SIMONE, 21 ANS, LA FRANCE INSOUMISE
« Nous sommes peut-être dans une période préinsurrectionnelle. »
La politique et moi. « À 16 ans j’ai adhéré au Syndicat général des lycéens (SGL), où j’ai milité contre la plateforme Parcoursup. Lors de ma licence d’histoire, j’ai rejoint un syndicat étudiant. J’ai ensuite décidé de m’engager au sein de la France insoumise. J’avais envie d’impacter plus concrètement et directement la vie des gens, et pas uniquement celle des étudiants. J’ai été candidate aux législatives en 2022 pour la Nupes. Au sein des Jeunes Insoumis, je m’occupe de la communication. »
Mes valeurs, mes convictions. « L’écologie est une valeur centrale pour moi, tout comme le féminisme et la lutte contre les discriminations. La question de la répartition des richesses est centrale. Je viens d’une famille modeste et cela m’a motivée dans mon engagement, avec l’objectif de rendre le monde meilleur. Je constate que, lors de la crise de la Covid, les plus fortunés ont fait d’importants bénéfices, tandis que d’autres ménages n’arrivaient plus à vivre dignement. L’inflation est aussi symptomatique : les Français subissent actuellement 12 % d’inflation, tandis que le PDG de Total semble protégé. »
Ma vision de l’avenir. « Je suis dans une grande incertitude face à l’avenir : politiquement, on évoque beaucoup la dissolution de l’Assemblée nationale et cela m’effraie car nous sommes actuellement dans une période assez instable, où le gouvernement tâtonne. Je ne suis pas certaine que la gauche réunie parviendrait à obtenir une majorité. La guerre en Ukraine ajoute aux tensions. La période actuelle me rappelle le début des années 1930, avant la Seconde Guerre mondiale, avec d’importantes tensions à l’international et la montée des populismes, particulièrement avec la récente élection de Giorgia Meloni en Italie. À l’échelle mondiale, je trouve que la situation est proche d’une guerre froide avec les États-Unis, affaiblis, mais qui souhaitent montrer leurs muscles, et Poutine, qui tente de réaffirmer sa position. La France perd de sa puissance et cherche sa place. Les Français en ont assez de cette instabilité : ce que nous vivons actuellement me rappelle presque la période des gilets jaunes. Je pense que lorsque la réforme des retraites aura lieu, il se passera quelque chose, même si je ne sais pas encore quoi. Nous sommes peut-être dans une période préinsurrectionnelle. »
Les livres qui ont compté pour moi :
La Politique est un sport de combat, de Gaspard Gantzer
Harry Potter et l’Ordre du Phénix, de J. K. Rowling
JONAS, 20 ANS, EUROPE ÉCOLOGIE-LES VERTS
« La politique est l’une des seules façons de faire changer les choses. »
La politique et moi. « Je me suis engagé à la suite des attentats de 2015. Touchant à la fois à la liberté d’expression, aux questions militaires, de défense et plus largement aux libertés fondamentales, ces actes sont extrêmement politiques. Ils sont venus heurter la France, ses principes et ses traditions. Les attentats du 13 novembre ont attaqué nos modes de vie, notre vivre ensemble typiquement français. J’ai à ce moment pris conscience de ce que représentait notre pays et ses valeurs. J’ai eu envie de les défendre car ils nous permettent d’être des individus, des citoyens accomplis. Depuis l’âge de 13 ans, je m’intéresse à la politique. J’ai rencontré des professeurs, des personnes qui m’ont donné envie d’en faire. La majorité obtenue, je me suis inscrit dans un parti qui ne m’a pas convenu. Cette organisation me semblait très verticale, trop centralisée et surtout pas à la hauteur de la question écologique. La politique est l’une des seules façons de faire changer les choses. L’Europe est pour moi un puissant moyen de construire la paix et de résoudre les problèmes climatiques. Ces derniers constituent à mon sens le plus grand défi de notre siècle. C’est pour l’ensemble de ces raisons que j’ai choisi de m’engager à EELV. »
Mes valeurs, mes convictions. « J’ai simplement ressenti le besoin de m’engager sans avoir une idée précise de la forme que cela pouvait prendre. Je ne connaissais de la politique que ce qu’on peut en voir généralement dans les médias. Je viens d’une ville de province où cela n’a pas la même dimension qu’à Paris ou que dans d’autres grandes villes. C’est finalement bien plus ! Il y a des histoires de personnes, des enjeux, des négociations… La politique, c’est mille choses en même temps. C’est une expérience de vie à part entière. Aussi, il me semble important de préciser que je me suis engagé dans une campagne plus que dans un parti au début. Je n’ai rejoint le parti que dans un second temps. J’y consacre aujourd’hui la quasi-totalité de mon temps en dehors de mes études. »
Ma vision de l’avenir. « Nous sommes en France, précisément à l’Assemblée nationale, dans un contexte politique qui aurait pu être intéressant avec une reconstruction des discussions parlementaires et un apaisement des tensions entre les partis afin de servir le bien commun. Ce n’est malheureusement pas le cas… De nombreux exemples d’actualité me poussent à être plutôt pessimiste quant à l’avenir. L’espoir est important. Il faut que les gens aient envie de s’engager, que l’on continue d’avancer ensemble. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Tout comprendre (ou presque) sur le climat, d’Anne Bres, Claire Marc, Bonpote, sous la direction de Jean-François Doussin
Impact, d’Olivier Norek
MARION, 19 ANS, SANS ENGAGEMENT
« La politique menée me semble toujours identique »
La politique et moi. « J’ai grandi dans un milieu peu politisé. Je regarde parfois des contenus de vulgarisation sur les réseaux sociaux et ce que je vois ne me donne jamais envie d’approfondir. La communication des politiques semble destinée à récupérer des électeurs et manque de sincérité. Je ne me retrouve jamais entièrement dans un parti. Pour l’élection présidentielle, par exemple, je me suis renseignée sur EELV, mais je n’ai pas pu me résoudre à voter pour un parti d’antivax. »
Mes valeurs, mes convictions. « Comme je suis étudiante en médecine, je suis allée manifester contre la réforme des études de médecine. Mais même sur ce sujet qui me concerne directement, je me sens “forcée” de m’engager : si le gouvernement ne faisait pas l’opposé de ce qu’on attend de lui, je n’aurais pas à militer. Pour les autres sujets, comme la question des Ouighours, la guerre en Ukraine ou encore le réchauffement climatique, je me sens touchée mais je ne m’informe pas vraiment. »
Ma vision de l’avenir. « La politique menée me semble toujours identique : on ne voit pas de réel changement malgré l’arrivée au pouvoir de différentes majorités. Pour les législatives, j’étais en accord avec certaines des idées défendues par la Nupes, mais je ne pouvais pas me résoudre à donner ma voix à une coalition menée par LFI et Jean-Luc Mélenchon.L’arrivée au pouvoir des extrêmes m’effraie. Je crains que des droits considérés comme acquis soient menacés, comme le droit à l’IVG.J’ai toujours ce sentiment que mon vote est dissous parmi les autres, même si j’ai conscience que c’est justement la masse silencieuse qui a le pouvoir de changer les choses. On peut comparer mon positionnement à celui de l’âne dans La Ferme des animaux de George Orwell : peu importe ce que je fais, je ne changerai jamais les choses. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley
Le Désert des Tartares, de Dino Buzzati
SYLVAIN, 29 ANS, PARTI SOCIALISTE
« La radicalité est le danger qui menace la République »
La politique et moi. « Ma priorité est le changement. J’ai commencé à m’engager associativement à 16 ans, puis politiquement au Parti socialiste à 20 ans. Je suis élu municipal depuis 2020 et élu régional en Occitanie depuis 2021. Je me suis engagé car certains élus locaux du Parti socialiste étaient pour moi des modèles à imiter. Pour moi, le PS, c’est la gauche du concret. »
Mes valeurs, mes convictions. « Je suis très attaché à l’exemplarité. En tant que jeune conseiller régional, j’ai le devoir de prouver que si on fait confiance à un jeune, il peut y arriver. La loyauté se perd beaucoup, et c’est une de mes valeurs cardinales : je n’ai milité qu’au sein du Parti socialiste car j’ai pris le temps de faire grandir mes convictions avant de m’engager. L’humanisme, le rapport au collectif, la solidarité et l’universalisme sont aussi des points centraux, d’autant plus importants dans des bastions du Rassemblement national comme Perpignan. »
Ma vision de l’avenir. « Les décisions d’élus nationaux depuis Paris sont très éloignées de la réalité des Français qui rencontrent des difficultés. À l’inverse, les élus locaux exercent une réelle politique du quotidien. Il faut être vigilant face aux réseaux sociaux, terreau fertile du populisme. Le clash est central par rapport au débat d’idées. La politique doit être le reflet de la société.S’agissant de futur politique, deux options sont envisageables : soit la politique continue à se nourrir des polémiques, les courants populistes deviendront alors plus importants, et le racisme sera plus véhément. Soit, malgré les clivages, des valeurs communes de la République se dégagent en transcendant les partis. Ce changement passera aussi évidemment par le vote des Français. La radicalité est le danger qui menace la République. Il faut donner envie de voter, montrer que la politique est utile et peut changer le quotidien des Français. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Les leçons du pouvoir, de François Hollande
Les Fossoyeurs, de Victor Castanet
YASSINE, 18 ANS, PRINTEMPS RÉPUBLICAIN
« L’enjeu actuel est d’échapper à la “tenaille identitaire” »
La politique et moi. « Je me suis engagé car j’ai toujours pensé qu’il fallait que je me rende utile en politique, pour les autres et surtout pour défendre les valeurs qui me sont chères. Les questions politiques m’ont très rapidement intéressé, et j’ai d’abord décidé de m’engager à 16 ans à la Ligue des droits de l’homme. Je ne me reconnaissais pas dans la ligne politique de l’association, que j’ai donc quittée au bout de quelques mois pour rejoindre le Parti socialiste. Je pensais alors qu’il était temps de reconstruire une gauche républicaine et sociale. Néanmoins, je ne me reconnaissais pas toujours dans les positions défendues par le PS. J’ai alors connu le Printemps républicain, où je me suis senti pour la première fois parfaitement en accord avec les idées. Il s’agit d’avantage d’une famille politique que d’un parti politique traditionnel. Mon militantisme est concentré sur l’échange avec les autres militants, notamment en animant des groupes de réflexion avec d’autres jeunes du Printemps républicain. Une partie de mon engagement se déroule sur les réseaux sociaux. »
Mes valeurs, mes convictions. « Je suis né et j’ai grandi avec des valeurs que je porte encore aujourd’hui, la laïcité, la défense des principes républicains, le combat contre l’islamisme. D’autres enjeux sont importants pour moi, comme la question sociale, l’écologie et la sécurité. »
Ma vision de l’avenir. « Je suis optimiste de nature ! Selon moi, c’est à nous de nous engager dans la vie politique et associative en tant que jeunesse, afin de ne pas laisser la place aux extrêmes. Si on a la volonté de faire de belles choses avec sincérité, je pense que l’avenir sera positif. L’enjeu actuel est d’échapper à la “tenaille identitaire” : je considère que les extrêmes s’alimentent mutuellement autour d’un même axe identitaire, et que quand ils montent ils font du mal à la démocratie. On le voit depuis les élections législatives et le nombre important de députés RN et LFI. On assiste à une destruction du débat politique : on laisse la place au clash, en privilégiant la forme et en oubliant le fond. Le militantisme actuel passe par les réseaux sociaux, qui constituent un vrai défi pour les années à venir. La jeunesse doit prendre sa part de responsabilité dans les combats actuels. »
Les livres qui ont compté pour moi :
La Promesse de l’aube, de Romain Gary
La Nouvelle Question laïque, de Laurent Bouvet
PIERRE, 23 ANS, PARTI RADICAL
« Je suis un défenseur de la promesse républicaine »
La politique et moi. « Né à Gonesse, dans le Val-d’Oise, j’ai effectué toute ma scolarité au sein de l’enseignement public. Dans ma ville, j’ai eu la chance de participer au conseil municipal des jeunes, dès le collège, parce que mes camarades m’y ont poussé. J’y suis resté pendant quatre ans, et cela a forgé mes aspirations d’engagement. C’est pourquoi, en 2018, j’ai franchi le pas, et je me suis engagé au Mouvement radical, redevenu aujourd’hui le Parti radical. »
Mes valeurs, mes convictions. « Je me suis engagé pour porter des idées, et défendre des convictions. J’ai toujours été porté par les sujets tels que la lutte contre les discriminations ou le combat pour l’universalisme et l’universalité des droits. Je me bats aussi pour la solidarité car je constate encore trop de disparités entre nos concitoyens. Cette solidarité passe également aussi par l’éducation publique, qui permet de passer outre le déterminisme social. En définitive, je suis un défenseur de la promesse républicaine comme conçue par nos prédécesseurs : la République sociale, qui permet l’émancipation. Pour ma part, je défends le radicalisme, celui du Parti radical. Ce mot est aujourd’hui connoté, mais il faut aussi rappeler nos positions réellement radicales, en adéquation, je pense, avec les aspirations des Français. »
Ma vision de l’avenir. « Même si ce n’est pas à la mode, je suis convaincu que les partis sont nécessaires. Ils se sont, seulement, coupés de la jeunesse. La nature ayant horreur du vide, on voit que les extrêmes se sont enracinés dans ces problématiques. Ce à quoi il faut parvenir, selon moi, c’est à faire participer les jeunes à la démocratie représentative, et leur redonner foi dans celle-ci. Il est faux de penser que les jeunes ne sont pas politisés, ils le sont mais différemment de nous. Il faut réussir à transformer les revendications diverses en solutions politiques. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Solidarité, de Léon Bourgeois
Indignez-vous, de Stéphane Hessel
ROSE, 20 ANS, RENAISSANCE
« Nous avons un problème démocratique en France »
La politique et moi. « Quand mon grand-père a eu la Légion d’honneur, il a rencontré le président de la République, et ce fut une inspiration. Un autre déclencheur fut la visite de l’ENA pendant des Journées du patrimoine. En 2017, j’ai vu la France divisée entre un parti d’extrême droite et un parti centriste et progressiste qui cassait les codes de la politique traditionnelle. J’ai rejoint LREM à mes 18 ans. Je suis chargée des questions de vie étudiante pour Les Jeunes avec Macron dans une région : je participe à des débats et à des formations. Je milite également sur le terrain, afin de connaître la réalité des gens, et savoir comment la politique peut les aider. »
Mes valeurs, mes convictions. « Le progressisme est au cœur de mon combat : je m’engage pour changer les choses. Mon implication est basée sur la démocratie, le respect des droits humains. Je reproche à l’extrême droite de bafouer ces droits et à l’extrême gauche d’être excluante tout en prônant l’inclusion. »
Ma vision de l’avenir. « Je pense que la politique actuelle s’essouffle : nous avons un problème démocratique en France. Les gens qui ne s’intéressent pas à la politique votent pour des idées sans en comprendre tous les enjeux. L’école est un vecteur d’égalité. Des cours de vie citoyenne impliqueraient davantage les jeunes : le vote, par exemple, est un droit, mais aussi une responsabilité individuelle. Les réseaux sociaux et les médias ont une grande importance dans notre société et doivent être utilisés dans l’éducation politique. Les Français cherchent l’hyper-représentation, et veulent la concordance avec l’entièreté des idées défendues par un candidat, ce qui est impossible. Le problème des partis est la fragmentation de l’électorat et un manque de connexion aux préoccupations des Français. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Le Prince, de Machiavel
Une terre promise, de Barack Obama
EVA, 19 ANS, LES RÉPUBLICAINS
« J’ai toujours cru en la méritocratie »
La politique et moi. « Née dans le Lot en 2003 de parents commerciaux dans le foie gras, dans une famille pas vraiment politisée si ce n’est un grand-père socialiste, rien ne me prédestinait à m’engager à droite, ni a fortiori auprès d’une personnalité telle qu’Aurélien Pradié. Toute ma scolarité, je l’ai effectuée dans une école privée. J’ai été déléguée de classe dès le collège, et j’ai eu la chance d’effectuer un stage à Public Sénat lorsque j’étais en classe de 3e. C’est à ce moment-là que je me suis découvert une réelle passion pour la politique. »
Mes valeurs, mes convictions. « En 2017, j’ai été séduite par le projet d’Emmanuel Macron, sans pour autant m’engager dans son mouvement. En voyant son ascension, je me suis dit qu’on pouvait tout à fait partir de rien et arriver tout en haut. J’ai toujours cru en la méritocratie, au travail, et je me reconnais dans les valeurs que défend la droite. Par exemple, je trouve qu’on ne travaille pas assez, que les enfants ont trop de vacances scolaires et que le niveau baisse d’année en année. Il faut y remédier ! Sur un sujet qui est d’actualité, l’immigration, je ne suis pas contre, mais il faut la réguler. Aujourd’hui, trop de sujets sont victimes de récupération politique, comme celui-ci, ou comme l’écologie qui est devenue l’apanage des partis de gauche, parfois extrêmes. »
Ma vision de l’avenir. « Aujourd’hui, les jeunes s’engagent beaucoup dans les extrêmes. Je suis très critique envers eux. Quand on connaît l’histoire, je ne conçois pas qu’on puisse décider de s’engager ainsi. Ensuite, j’ai de l’espoir pour demain, sinon je ne m’engagerais pas. Si nous, les jeunes, on n’y croit plus, alors autant fermer boutique dès à présent ! Enfin, je crois à la place de la femme dans l’engagement, notamment politique. On doit se battre deux fois plus, on tente de nous passer devant, mais il faut que nous nous engagions. L’engagement, c’est ce qui peut changer la vie des gens, et je compte bien y contribuer. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Le Rouge et le Noir, de Stendhal
Le Cid, de Corneille
THOMAS, 20 ANS, RASSEMBLEMENT NATIONAL
« Je ne me reconnais pas dans ma génération »
La politique et moi. « Né à Toulouse, j’ai grandi et étudié dans cette ville. À aujourd’hui 20 ans, j’y étudie l’archéologie. J’ai grandi dans une famille d’origine paysanne qui s’est élevée par l’éducation publique et par le doctorat de mon père. J’ai toujours été en recherche de sens, recherche d’approbation d’autrui, et de moi-même, ce qui m’a poussé en première à me mettre à la lecture. À beaucoup de lecture : sur tous les sujets, tout le temps. Et c’est ainsi que je me suis construit et que j’ai construit ma pensée politique et morale. »
Mes valeurs, mes convictions. « Par mes lectures, j’ai recherché la “vérité objective” et j’en suis arrivé à la conclusion que, dans notre société, la totalité de notre production est une tentative de faire de l’individu un consommateur, et rien de plus. Cela passe par le libéralisme, et culturel de surcroît. Et pour moi, nous nous rendons esclaves de cette société qui annonce le totalitarisme, qui réduit l’homme à un moins que rien, un consommateur animal par le biais du Forum économique mondial. Aujourd’hui, les jeunes se croient libres, et clament tous leur « vertu » mais ne font que déléguer cette dernière à des gens qui savent faire.L Prenons l’exemple des antiracistes : « Regardez-moi, je suis meilleur que vous, je suis antiraciste » – mais pourquoi le prouver ? Je ne me reconnais pas dans ma génération, j’aime la conformité, c’est pourquoi je suis parti à droite, voire plus. »
Ma vision de l’avenir. « Au départ, notre place était définie par notre place dans la société, et donc tout en découlait. Pour moi, on va assister à la formation d’une oligarchie mondialisée avec le Forum économique mondial. La démocratie devient aujourd’hui un conflit d’intérêts bloqué, et on voit que, quand la majorité est représentée, la minorité ne l’est pas. Ce modèle vient à s’effondrer. Si je peux conclure, ce serait : “Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera ; et il n’y a rien de nouveau sous le soleil.” »
Les livres qui ont compté pour moi :
Somme théologique, de Saint Thomas d’Aquin
Une folle solitude : le fantasme de l’homme auto-construit, d’Olivier Rey
JEANNE, 21 ANS, EXTRÊME DROITE IDENTITAIRE
« Je milite pour la valorisation de l’identité française »
La politique et moi. « Je me souviens de mes premiers collages féministes au lycée. Après mon bac, j’ai rencontré l’association La Cocarde étudiante. C’est une association étudiante qui interpelle les politiques. Son fonctionnement est proche de celui d’un parti politique, mais cela reste un mouvement étudiant, à la différence de l’Action française. Je m’occupais occasionnellement de communiquer sur les réseaux sociaux, je faisais du recrutement et je participais à des groupes de réflexion. »
Mes valeurs, mes convictions. « La précarité étudiante est un sujet qui me touche et que je souhaite combattre. La laïcité me tient également à cœur. J’ai pour idéal un État plus régalien. Or, l’État de gauche est très social, très axé sur les droits. Ma position est à la fois assez libérale, et en même temps tournée vers un État plus autoritaire. La France d’aujourd’hui connaît un désordre civil, y compris sur la question migratoire. À l’heure actuelle, on fait venir les migrants, mais comme il n’y a pas de régulation, ils ne vivent pas mieux en France. Je trouve qu’on leur ment et qu’on profite de leur détresse. Je milite pour la valorisation de l’identité française et contre le communautarisme. Nous devons nous fédérer autour de notre identité commune, mais sans la résumer par un caricatural “le Français mange du cochon et boit du vin”. »
Ma vision de l’avenir. « Je constate un éloignement des politiques par rapport aux préoccupations citoyennes. Les politiques prennent des décisions au détriment de la majorité des Français : par exemple sur la question du climat, ce sont les plus pauvres qui sont sanctionnés. La crise de la Covid-19 est un point de bascule. Je souhaite un État plus autoritaire, mais pas les énormes restrictions que nous avons connues. En dehors du contrôle de sécurité, je ne suis pas en faveur de ces mesures, comme le passe Covid ou le projet de passe Carbone. L’enjeu est de fédérer les combats individuels. On a vu les Français voter par dépit. Il faut un changement radical. »
Les livres qui ont compté pour moi :
Bréviaire pour une génération dans l’orage, Academia Christiana
Histoire de France, de Jacques Bainville
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