Par Alain Barbanel, journaliste
Faute de présenter à la société une offre politique intelligible, le leader politique, député de la Nation, occupe son temps de parole sur les plateaux de télévision et dans les studios de radio, comme les mauvais musiciens : en faisant du bruit plutôt que du son. « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. » Parmi les oiseaux de mauvaise augure qui planent sus nos têtes, il n’est pas le seul à instrumentaliser les peurs pendant les périodes pré-électorales, à surfer sur l’idée complotiste qui se résume à peu près ainsi : « On nous cache des choses, tout est déjà prévu par un État profond invisible ». Ce discours est un cache-misère intellectuel qui obère la sérénité du débat public.
Parler le plus fort pour se faire entendre
Les extrémistes de tous poils, de la gauche radicale à l’extrême droite en passant par les souverainistes labellisés « anti-Système », pourvu que ce dernier soit républicain et démocratique, s’ébrouent dans ce marécage nauséabond où ceux qui parlent le plus fort se font entendre. Le vide et le bruit. Ce nouvel alliage n’est pas nouveau. Jean-Marie le Pen en avait fait ses choux gras mais bien avant le partage sur les réseaux sociaux. À l’époque on parlait même de « dérapages », terme que beaucoup de médias ont utilisé pour qualifier la prophétie apocalyptique du ténor de LFI. « Tout ça est écrit d’avance » a t-il martelé avec beaucoup de conviction au micro de France Inter à propos de chaque élection présidentielle qui serait marquée par un événement « gravissime », qui viendrait perturber le jeu des institutions. « Cela a été Merah en 2012. Cela a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs-Elysées. Avant, on avait eu Papy Voise dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance. Nous aurons le petit personnage sorti du chapeau. » Un dérapage ? En bon sophiste, parlons plutôt d’une stratégie bien huilée pour faire le maximum de bruits. Un « petit personnage » Mohammed Merah ? Lui aussi serait un « détail de l’Histoire »… Non Monsieur Mélenchon. Pour vous rafraîchir la mémoire, vous parlez d’un terroriste islamiste qui a tué, le 19 mars 2012, trois militaires, ainsi que trois enfants juifs et un enseignant de l’école Ozar Hatorah de Toulouse… Ou bien la mémoire vous-fait elle défaut à force d’être sélective ? À voir.
Qui pratique « l’amalgame », vous ou le « Système » ?
Néanmoins, votre discernement, lui, reste intact si l’on suit bien votre démonstration quand vous affirmez : « Nous aurons l’événement gravissime qui va, une fois de plus, permettre de montrer du doigt les musulmans et d’inventer une guerre civile. » Et comme pour apporter de l’eau à son moulin, de citer l’attentat des Champs-Élysées du 20 avril 2017 où l’islamiste Karim Cheurfi avait tué un policier et blessé deux de ses collègues. Le mot est lâché. Selon Jean-Luc Mélenchon, ces attentats terroristes viseraient à stigmatiser les musulmans, reprenant à son compte ce qu’il dénonce par ailleurs à propos de « l’amalgame » entre islam et islamiste. Vous est-il toujours aussi difficile d’admettre que l’islamisme tue et que les terroristes ne sont pas tous des « loups solitaires » mais des individus soumis à une idéologie mortifère ? Qu’ont à voir les « musulmans » dans ce constat ? Qui pratique l’amalgame, vous ou le « Système » ? Et pensez-vous défendre la cause de nos concitoyens musulmans en tenant ces propos ?
La haine n’est jamais vaincue sur un champ de braise, que certains de nos politiques, en quête de notoriété et d’électeurs, s’emploient visiblement à attiser. On connaît bien désormais la rhétorique et l’usage détourné de ces fameux procès pour « islamophobie », pour chercher à entretenir l’idée d’une domination empruntant la forme d’un racisme systémique et d’État. Tout comme l’extrême droite se plait aussi à agiter la menace d’une guerre civile, Jean-Luc Mélenchon ne dérape pas, mais s’engouffre dans une liturgie apocalyptique pour se positionner en sauveur. Autrement dit, si vous ne me choisissez pas, vous aurez le chaos ! Avec de telles « ambitions » personnelles, il devient en effet difficile de raison garder pour analyser une situation avec objectivité et clairvoyance ! Mais pour les inconditionnels de l’ego, là n’est pas le propos, puisque le bruit l’emporte. Seule consolation, aussi maigre soit-elle : dans ce vacarme incessant, un bruit chasse l’autre. Puisse-t-on s’en lasser.